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mardi 27 avril 2010

Des événements sur la guerre et l'humanitaire


Mercredi 28 avril 2010 à RENNES :
Un café géo sur "Guerre et environnement en Côte d'Ivoire" à 18h30, au bar le Damier, présenté par Johan OSZWALD, enseignant-chercheur au laboratoire COSTEL, de l’université Rennes 2. Maître de conférences en Gestion des ressources environnementales et géostatistiques, il a soutenu une thèse sur la Dynamique des formations agroforestières en Côte d’Ivoire (des années 1980 aux années 2000) : suivi par télédétection et développement d’une recherche approche cartographique en 2005, et travaille tout particulièrement sur la notion de risques.


Mercredi 28 avril 2010 à PARIS :
La reprise du séminaire "Nouvelle histoire bataille" de l'IRSEM proposera une rencontre sur les "Expériences coloniales et guerres asymétriques américaines au XIXe siècle : nouvelles interprétations : nouvelles interprétations" avec des interventions de :
  • William T. DEAN (Associate Professor of Comparative Military Studies U.S. Air Force Air Command and Staff College, Air University, Maxwell AFB)
    "The Battle of Horseshoe Band, 1814 British Unconventional Warfare and the Creek Indians"
  • L. Michael ALLSEP Jr. (Professor of Comparative Military Studies U.S. Air Force Air Command and Staff College, Air University, Maxwell AFB Department of Leadership and Strategy)
    "Where is the American Colonial Office ? The War Department and the American Empire"


Lundi 17 mai 2010 à PARIS :
Un Café humanitaire sur "Haïti, une aide humanitaire durable ?", de 19 h 30 à 21 h 30, au Snax Kfé (182 rue St Martin, 3ème arrondissement), présenté par Sonia Jedidi, avec pour invités Willian H. SCHNEIDER (Professeur d'Histoire, Baker-Ort chaire International Healthcare Philanthropy au Centre de Philanthropie à l'université Indiana, USA), Luca PUPULIN (Directeur des programmes, ACTED), et Eric SAURAY, (sous réserve).


samedi 24 avril 2010

Des blogs et des sites à suivre !


Voici une petite liste de blogs et des sites découverts ces derniers temps, à (re)découvrir par tous ceux qui s'intéressent à la géographie, aux études urbaines, à la géopolitique et/ou aux questions de défense.


Géopolitique du Proche-Orient (Jean-Baptiste Beauchard)
Géopolitique du Proche-Orient est un blog animé par Jean-Baptiste Beauchard, doctorant en droit (avec une thèse thèse portant sur la pérennité du Droit international à l’épreuve d’une géopolitique conflictuelle au Proche-Orient) qui propose des réflexions sur la complexité de cet "ensemble régional souvent perçu comme un bloc homogène". "La succession des empires, la coexistence des trois religions monothéistes, les intérêts énergétiques et géostratégiques dont dépendent les grandes puissances, les alliances aussi fragiles que circonstanciées , le passage d’un pan-arabisme à un Islamisme de plus en plus radical, la présence d’Israël qui redéfinit sans cesse sa territorialité ou encore un droit international mis à mal font de cet ensemble une zone fortement polémogène nécessitant de nouvelles approches". Créé en janvier 2010, ce blog est déjà très prometteur, et quelques billets pourront d'ores et déjà retenir l'attention quant aux problématiques abordées dans Géographie de la ville en guerre, avec par exemple des réflexions sur les milices (le Hamas ou le Hezbollah), le mouvement du 14 mars au Liban, les enjeux de l'affirmation de la souveraineté au Liban...


Les murs, miroirs de la ville (exposition virtuelle d'Alain Musset)
Les murs ne sont pas toujours porteurs d'une distanciation territoriale et d'une conflictualité sociale. Dans le site Les murs, miroires de la ville accueilli par la revue Nuevo Mundo (consacrée aux sociétés latino-américaines), le géographe Alain Musset (voir son site) nous propose d'aller à la rencontre, sous forme d'une exposition virtuelle, de ces murs "ordinaires" dans les villes latino-américaines, réappropriés par des projets artistiques ou par les habitants pour les rendre esthétiques et marquer le paysage urbain de symboles de mixité et de rencontre.


Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui
A tous les passionnés de cartographie (à ce propos, on se reportera à l'excellente Documentation photographie de Jacques Lévy, Patrick Poncet et Emmanuelle Tricoire : "La carte, un enjeu contemporain", n°8036, 1er trimestre 2004 ; et à l'excellent numéro de la revue La GéoGraphie sur "Cartes : le voyage immobile", n°2, n°1529, 2008), le site Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui propose une découverte interactive des cartes de Cassini afin de mettre en valeur la relation entre "Territoires et Population, deux siècles d'évolution". A travers les cartes de Cassini (à lire l'ouvrage de Monique Pelletier, Les cartes des Cassini. La science au service de l'Etat et des régions, Editions du Comité des Travaux historiques et scientifiques, 2002), "ce site est la mise en scène de deux siècles d’évolution des territoires et des populations communales appuyés sur la représentation du paysage français du XVIIIe siècle réalisée par les équipes Cassini. Il répond à trois objectifs : 
•scientifique : un outil de travail pour la recherche historique
•prospectif : une aide à la compréhension des territoires actuels pour une réflexion sur le futur
•culturel : une diffusion d'un élément du patrimoine français".


Le site d'Erik Orsenna
Dans son site "L'archipel d'Erik Orsenna", ce célèbre écrivain met en valeur le lien intime qu'entretient sa littérature avec la géographie. Présenté comme la carte de son monde imaginaire (qui rappelle fortement La grammaire est une chanson douce), ce site propose une découverte de certains romans d'Erik Orsenna qui laissent une grande place à une géographie intime, imaginaire ou engagée : Portrait du Gulf Stream, Madame Bâ (un regard de l'Afrique sur les pays du Nord, 20 ans après L'exposition coloniale), la "trilogie" La grammaire est un chanson douce, sa suite Les chevaliers du subjonctif et le récent La révolte des accents, ou encore L'avenir de l'eau. A noter qu'Erik Orsenna a été invité d'honneur du Festival international de géographie en 2006, et qu'il a participé à un café géo aux côtés d'Yves Lacoste à propos de "Julien Gracq et la géographie". A lire également deux comptes-rendus de son ouvrage Voyage au pays du coton. Petit précis de la mondialisation (2006) par Christian Bouquet pour Les Cahiers d'Outre-mer et par Gilles Fumey pour les Cafés géo.


La modélisation urbaine (Gilles Lajoie)
Pour tous ceux qui s'intéressent aux études urbaines, le site proposé par Gilles Lajoie (maître de conférences à l'Université de La Réunion) se consacre aux Recherches en modélisation urbaine. Le site reprend l'ensemble des 3 volumes de l'habilation à diriger les recherches (HDR) soutenue par Gilles Lajoie en 2007 et de ses articles scientifiques. L'occasion de découvrir un aspect de la géographie qui peut paraître d'emblée très "technique", la modélisation, mais surtout son intérêt en termes de réalisations cartographiques et de démonstrations (par exemple, les cartes dynamiques proposées pour montrer l'évolution des processus de peuplement dans l'île de la Réunion sont des outils très pédagogiques). Pour ceux qui ne connaitraient pas cet aspect de la géographie, voici la définition proposée dans Les mots de la géographie. Dictionnaire critique (Roger Brunet, Robert Ferras et Hervé Théry, Reclus/La documentation française, 3ème édition, 2006, p. 334) : "la modélisation est l'art, ou la science, de produire des modèles au sens fort, et de hisser au rang de modèle des observations rassemblées, c'est-à-dire d'identifier les éléments majeurs et les relations les plus assurées, qui expriment ou bien la structure d'un objet particulier, ou bien la structure commune à des objets d'une même classe".



vendredi 23 avril 2010

"Afghanistan-Pakistan : L'évolution récente du conflit et les enseignements de l'histoire" (Rencontres de l'IRSEM)


L'institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire (l'IRSEM qui inaugure son nouveau site Internet) organise dans le cadre de son cycle de conférences "Rencontres de l'IRSEM" une soirée consacrée à la relation "Afghanistan-Pakistan : L'évolution récente du conflit et les enseignements de l'histoire". Ce colloque aura lieu le lundi 3 mai 2010 de 18h15 à 20h00, à l'amphithéâtre Lacoste de l'Ecole militaire (Paris).





Programme de la rencontre :

Les débats seront animés par Nicolas Regaud, adjoint au délégué chargé des Affaires stratégiques. Participeront à la réflexion et au débat :
  • Gilles Boquérat, responsable du programme Asie du Sud à l'IFRI,
  • Michel Goya, colonel, directeur du domaine « nouveaux conflits » à l'IRSEM,
  • Jean-Charles Jauffret, professeur d'histoire militaire à Sciences Po, Aix,
  • Nicolas Le Nen, colonel, commandant du groupe tactique interarmes de Kapisa (Afghanistan) entre décembre 2008 et juin 2009,
  • Jean-Dominique Merchet, journaliste spécialisé dans les questions de défense au quotidien Libération.


Une séance de dédicace est prévue à l'issu de cette rencontre sur les ouvrages récents parus autour de ce sujet :

 

Géographie de "Code Geass" (1) : Géographie urbaine


Suite à la courte introduction concernant l'intérêt de l'oeil du géographe pour comprendre les paysages et les espaces vécus donnés à voir aux lecteurs dans les mangas, voici le premier billet consacré à ce manga particulier : Code Geass, qui interroge tout autant la géographie urbaine (comme développé ici), la géographie politique/géopolitique (le prochain billet) et la géographie de l'imaginaire (le dernier billet de la série).



Agencement urbain : la ville dominée,
la ville ségréguée et les territoires du quotidien




1/ La ville aménagée : la mise en scène du pouvoir dans la ville


L'intérêt de Code Geass pour la géographie urbaine est très important. Ainsi, le Japon dominé devient un territoire où les aménagements du territoire permettent, tout d'abord, d'implanter le nouveau pouvoir dans l'espace public. Cette problématique n'est pas purement imaginaire, mais s'appuie sur des processus qui se développent dans des pays suite à un changement radical de pouvoir. Il peut s'agir :

- de la délocalisation des capitales, comme dans le cas de l'indépendance de la Côte-d'Ivoire avec le déplacement de la fonction de capitale politique vers Yamoussoukro et la transformation complète de ce petit village central en une ville-capitale (voir, à ce propos, un billet détaillé sur le blog d'histoire-géographie de M. Augris) ;

- de la transformation des toponymes comme ce fut le cas dans de nombreuses villes en Asie centrale (on se référera, par exemple, à l'article de Roger Brunet consacré à la transformation des noms de lieux, ses motivations pour chacun des cas et les sens de tels changements au Kazakhstan : "Hauts lieux et mauvais lieux au Kazakhstan", L'Espace géographique, tome 30, n°1/2001, pp. 37-51). L'exemple de la

- de la mise en scène du pouvoir dans l'espace public, notamment par le biais d'aménagements urbains "monumentaux" qui visent à ancrer dans l'imaginaire collectif la puissance du pouvoir, comme ce fut le cas dans la capitale du Turkménistan, Achgabat (voir l'ouvrage de Cécile Gintrac et Anne Fénot, Achgabat, une capitale ostentatoire. Urbanisme et autocratie au Turkménistan, L'Harmattan et IFEAC, 2005). Les grands travaux entrepris par le Turkmebashi (littéralement le "père des Turkmènes", tel que le Président Niazov s'était lui-même surnommé) dans la ville-capitale sont à l'image à la fois de sa mégalomanie qui se traduit par une architecture grandiose qui met en scène le personnage de Niazov et sa famille dans l'ensemble du centre de la ville d'Achgabat ; et de la volonté d'imposer une nouvelle identité dans la ville, notamment à travers la destruction de bâtiments de la période communiste.

L'ensemble des capitales de l'Asie centrale confronte ce type d'aménagements urbains entre patrimonialisation et folklorisation d'un pouvoir récent qui doit conforter sa légitimité (voir l'article d'Adrien Fauve et Cécile Gintrac, "Production de l’espace urbain et mise en scène du pouvoir dans deux capitales « présidentielles » d’Asie Centrale", L'Espace Politique, n°8, 2009-2 ; la carte postale géographique proposée par Cécile Gintrac sur Achgabat pour les Cafés géo ; et l'article d'Anne Fénot et Cécile Gintrac, "Achgabat : de la ville nouvelle à la ville renouvelée", Regard sur l'Est, 15 novembre 2007). A (ré)écouter en ligne pendant un mois l'émission Planète Terre de ce mercredi 21 avril 2010 consacrée à l' "Asie centrale : l'espace urbain sous influence" avec Cécile Gintrac et Guillemette Pincent (auteur d'une thèse de géographie sur le cas des villes d'Ouzbékistan - tout particulièrement Boukhara et Tachkent - qui vient d'être publiée : La réhabilitation des quartiers précoloniaux dans les villes d'Asie centrale, L'Harmattan, 2010 ; voir également son article "La réhabilitation fonctionnelle des villes pré-coloniales  d'Ouzbékistan : un outil de domination politique ?", Cybergéo, n°339, 19 juin 2006).

Code Geass ne met pas seulement en scène un monde fantastique reposant sur un imaginaire (du fait du pouvoir obtenu par le personnage principal), mais permet également de comprendre la production de l'espace urbain par des régimes autoritaires. Il peut s'agir de statues des membres de la famille impériale (telle que celle du gouverneur Clovis, attaquée en tant que géosymbole de ce pouvoir rejeté par un groupe de "guérilleros" japonais : cet aspect sera développé dans le 2ème billet consacré à la géopolitique dans Code Geass) qui sont des hauts-lieux politiques qui marquent la ville par des symboles du pouvoir - et de son aspect "incontestable" - de la famille impériale. Comme dans les capitales de l'Asie centrale par exemple (Astana et Achgabat tout particulièrement), la famille impériale se fait à la fois architecte et urbaniste, par la mise en scène de sa glorification dans l'espace public.

Cet aménagement passe aussi par des édifices monumentaux et leur utilisation politique, tel le gigantesque stade utilisé par la Princesse Euphemia pour un discours politique et une démonstration de la "main tendue" vers les Japonais (peuple dominé par l'Empire Britannia dont elle est une des héritières). Pour ceux qui auraient vu ou verront ce manga, il s'agit là d'un moment-clé de l'histoire, et ce stade gigantesque transformé pour un temps en haut-lieu politique pose la question de la place du pouvoir impérial au coeur de la ville, à travers ce lieu-événement. Les lieux culturels sont également, dans cette ville imaginaire, l'objet de réappropriation politique, telle que l'on peut en voir dans divers lieux du monde : on pense, par exemple (mais les exemples seraient très nombreux !), à la mise en scène orchestrée par Slobodan Milosevic à Kosovo Polje, avec la réappropriation de ce lieu historique, lors d'un discours monumental (devant un million de personnes venus de Serbie, alors que le Kosovo réunit une population de 2 millions d'habitants), le 28 juin 1989, pour le 600ème anniversaire d'une bataille historique mythifiée (voir le court billet sur cette bataille). Or, l'adéquation entre le lieu et l'événement est l'un des thèmes de la géographie (pourquoi les organisateurs d'un événement choisissent tel ou tel lieu ? quelles sont les perceptions pour les organisateurs, les utilisateurs occasionnels, les habitants ?), notamment dans les analyses des territoires festifs (voir, notamment, l'ouvrage dirigé par le géographe Guy Di Méo, La géographie en fêtes, Orphys, 2001).

Les aménagements urbains proposés dans Code Geass montrent combien un pouvoir autoritaire produit de l'espace urbain, notamment pour mettre en scène le pouvoir au coeur de la ville, qui devient un espace qui se donne à voir, autant pour les habitants (les Japonais, qui ont perdu jusqu'à leur nom, étant renommés les "Elevens", en référence à la nouvelle toponymie qui leur a été imposée par le nouveau pouvoir, le Japon étant rebaptisé "Area 11") que pour les observateurs extérieurs (la ville étant devenue, par le biais de tels aménagements urbains, une sorte de "ville-musée" pour tous les autres pays qui ne sont pas sous la domination de l'Empire, mais peuvent, en venant visiter cette ville, voir l'étendue de sa puissance).


Le Palais impérial où réside le gouverneur de l' "Area 11".
Situé au centre de "la colonie", il constitue un haut-lieu politique (centre du pouvoir) et symbolique (par la présence des drapeaux, il s'agit notamment d'affirmer dans le paysage la souveraineté de l'Empire Britannia sur le Japon). La modernité de son architecture ancre, également, le pouvoir de l'Empire dans le paysage.
Image extraite du 1er épisode de Code Geass.


 
2/ La ville ségréguée : distanciation et contrôle des "indésirables"

Autre thème (et pas des moindres tant cet aspect est important dans le scénario) de géographie urbaine présent dans ce manga : la ségrégation dans la ville. Un thème particulièrement important dans les études urbaines actuelles (à titre d'exemple, on se référera à l'ouvrage dirigé par Jacques Brun et Catherine Rhein, La ségrégation dans la ville, L'Harmattan, 1994 ; et à l'ouvrage dirigé par Françoise Navez-Bouchanine, La fragmentation en question : Des villes entre fragmentation spatiale et fragmentation sociale ?, L'Harmattan, 2002. Cette sélection est peu représentative du foisonnement autour de cette question, tant la liste "complète" serait longue !).

Le manga met en scène une ville ségréguée dans sa forme la plus aboutie : d'une part, "la colonie" est la ville nouvelle des Britanniens (les sujets de l'Empire Britannia qui a envahit et soumis le Japon 7 ans auparavant) ; d'autre part, "le ghetto" est la ville des "Elevens" (les Japonais qui, soumis, ont perdu le droit à leur identité et le nom de leur peuple). La ségrégation entre les deux parties de la ville est tellement forte que l'on peut se demander s'il ne s'agit pas de deux villes (et alors parler de fragmentation aboutie, plutôt que de ségrégation). Pourtant, la ville dans son ensemble constitue un espace politique unique (soumis et régulé par le même pouvoir : bien que des contestataires oeuvrent dans "le ghetto", ils n'ont pas de réelle assise territoriale et n'ont pas les moyens de créer une zone urbaine qui échapperait au pouvoir impérial) et un espace économique cohérent (reposant sur une distribution des catégories sociales qui se répercute dans l'espace social, avec d'une part les "nobles" et les cadres dans "la colonie" ; et d'autre part les ouvriers et domestiques dans "le ghetto"). S'il s'agit bien d'une seule ville, elle met en scène une profonde injustice spatiale, fondée sur la discrimination ethnique la plus aboutie.

Les aménagements urbains ont été "facilités" par la violence de la guerre qui opposa le Japon (alors libre) à l'Empire Britannia, dans la mesure où les destructions ont "rasé" la ville pré-existante. C'est sur ces ruines que l'Empire Britannia a façonné la ville duale dans laquelle la ségrégation est poussée à son extrême. Il s'agit là d'une représentation d'un urbanisme autoritaire qui impose dans l'espace urbain une division sociospatiale extrême, comme en témoigne l'agencement urbain.


La destruction de la ville-capitale japonaise lors de l'invasion du Japon par l'Empire Britannia.
Image extraite de l'introduction du 1er épisode de Code Geass.



"La colonie" (les toponymes "colonie" et "ghetto" sont utilisés tels quels dans le manga) est la ville nouvelle décidée par l'Empereur. Seuls les Britanniens y ont le droit de résidence (à l'exception des domestiques "elevens" dont quelques-uns peuvent loger dans des "remises" au sein des maisons les plus nobles), et le droit de passage des "Elevens"/Japonais dans cette ville coloniale y est des plus restreints et réglementé (seulement dans le cadre de leur activité professionnelle, dans des trajectoires déterminées par les Britanniens - pour que leur présence ne soit pas rendue visible dans "la colonie"). Cette ville repose donc sur le principe de la division spatio-ethnique qui se traduit par une très forte ségrégation sociale. C'est la ville nouvelle du dominant, avec ces immeubles flambant neufs, correspondant aux normes urbanistiques et architecturales les plus "modernes". La modernisation de la ville se lit ainsi à travers les matériaux utilisés, les formes des bâtiments et le gigantisme de l'architecture : cette modernisation se vend donc comme une image de la puissance de l'Empire Britannia. Il s'agit aussi d'une ville qui correspond à un urbanisme de type hygiéniste, tant dans ses caractéristiques sanitaires (la ville est dotée d'un puissant réseau d'assainissement des eaux usées, aucune saleté n'y est visible tant la propreté est une priorité, et les logements semblent dotés de tous les conforts les plus innovants) que dans ses aspirations sécuritaires : ainsi, les grandes avenues dégagées permettent autant d'assurer la salubrité de la ville que le maintien de son ordre social. Ce fut le cas dans de nombreuses villes où l'agencement urbain est "formaté" par un urbanisme autoritaire, qu'il s'agisse de l'émanation d'un régime dictorial en soi (on pense aux villes de type communiste : c'est le cas des villes d'Asie centrale citées dans la 1ère partie du billet, des villes de la Russie sous l'ère soviétique, ou des extensions de villes sous l'ère titiste en Yougoslavie, comme dans la banlieue de Sarajevo. Voir, à propos de la relation entre ville et pouvoir, le n°8 de la revue L'Espace politique, 2009/2), ou de la forte volonté d'un décideur de l'urbanisme qui imposa aux autres acteurs de l'aménagement sa vision de la ville (on pense, bien évidemment, aux grandes percées effectuées par le baron Haussmann à Paris : voir, à ce propos, la vidéo de la conférence du géographe Michel Carmona sur "Le Paris de Haussmann"). "La colonie" se dresse donc comme la "belle" ville face au "ghetto", ville-vitrine du pouvoir de l'Empire Britannia et de la soumission des Japonais à cette puissance politique.


Paysage de "la colonie" aperçu depuis une autoroute urbaine.
A l'intérieur de la colonie, existe une répartition sociale entre les différents Britanniens (certains sont des nobles, tandis que d'autres occupent des emplois dans l'administration, l'armée ou sont des cadres dans des sociétés) qui se lit dans le type d'habitat. Certains "Elevens" vivent également dans "la colonie", les "citoyens d'honneur" qui ont juré allégeance à l'Empire Britannia, et sont le plus souvent issus de hautes familles japonaises. Néanmoins, seuls les Britanniens ont la possibilité d'accéder aux hautes fonctions, et la carrière des "citoyens d'honneur" se limite aux plus bas échelons. Ils sont, de plus, soumis à de nombreuses discriminations au sein de "la colonie", et leur intégration dans la société britanienne est des plus limitées.
Image extraite du 1er épisode de Code Geass.

Vue aérienne de "la colonie" depuis un hélicoptère militaire.
A noter que les militaires parlent, pour désigner "la colonie", du "quartier réglémentaire", soulignant ainsi le sentiment très prégnant dans la société britannienne d'une supposée illégitimité de la présence des Japonais dans cette ville.



A cette "colonie", s'oppose "le ghetto", la ville des Japonais, ayant perdu leurs libertés de déplacement et leur souveraineté sur cet espace urbain. C'est un espace clos dans lequel les Japonais (renommés "Elevens" par les Britanniens qui leur ont supprimé le droit à leur nom, et par là leur droit à leur identité en tant que peuple) sont comme "assignés à résidence". On peut assimiler cet espace à un territoire-prison dans lequel les mobilités sont soumises au contrôle de l'armée (en tant que force de maintien de l'autorité de l'Empire Britannia). C'est un espace d'enfermement à la fois spatial et social. C'est principalement une ville souterraine, les "Elevens"/Japonais y sont terrés à l'intérieur de grands bâtiments, dans lesquels s'entassent de très nombreuses familles dans des logements de surface très restreinte et sans confort, qui leur servent à la fois d'habitat et d'espaces-refuges lors des expéditions punitives de l'armée britannienne chargée de "rétablir l'ordre (cet aspect sera développé dans le prochain billet sur la géopolitique dans Code Geass). "Le ghetto" est une zone insalubre dans laquelle les murs servent ici y "enfouir" des habitants jugés comme "indésirables" (on retrouve là des processus similaires aux camps de déplacés/réfugiés). Cette ville imaginaire permet ainsi la mise en scène d'un urbanisme de distanciation poussée à l'extrême, dans lequel le droit d'habitat est attribué en fonction de l'appartenance ethnique. Enfin, il faut noter que "le ghetto" correspond à l'ancien quartier de Shinjuku (voir une carte postale géographique proposée par Raphaël Languillon-Aussel dans les Cafés géo datant du 20 janvier 2009), quartier hautement symbolique de Tokyo (ce quartier divisé en 2 parties, avec à l'Est le célèbre quartier des distractions noctures, et à l'Ouest le quartier des affaires célèbre pour ses gratte-ciel). Transformer ce quartier-symbole (hautement de la puissance touristique que de la puissance financière du Japon) en un "ghetto" (d'autant plus que la toponymie imposée par l'Empire Britannia renvoie à un imaginaire très profond de soumission et de discrimination) permet ainsi au pouvoir britannien de montrer sa puissance et d'empêcher toute contestation de sa légitimité. Mais cet enclavement et cette ségrégation sont justement des causes de l'émergence de zones de contestation de ce pouvoir au sein du "ghetto" (voir le prochain billet, notamment autour du couple de "résistants"/"terroristes").


Les souterrains du "ghetto".
L'ensemble des différents bâtiments dans "le ghetto" sont reliés principalement par des espaces "enfouis", dans lesquels circulent autant les véhicules, les métros que les piétons. Les mobilités des "Elevens"/Japonais sont ainsi rendues "invisibles".
Image extraite du 1er épisode de Code Geass.

Un appartement dans "le ghetto".
L'habitat dans ce quartier est réduit en surface et en confort, une seule pièce permettant de loger chaque famille (parfois nombreuse). Les habitants se retrouvent également dans les rez-de-chaussés de ces immeubles, laissés à l'abandon, pour y cuisiner, y discuter, y commercer...
Image extraite du 1er épisode de Code Geass.



La ville ainsi mise en scène fait penser à la ville duale, qui apparaît comme physiquement scindée en deux territoires urbains différenciés : la ville des dominants d'une part, et la ville des dominés d'autre part. La stratification sociale qui naît de cette division spatiale et ethnique est très simple, puisqu'à l'appartenance ethnique correspond un espace de vie bien déterminé, qui lui même correspond à une appartenance sociale. Il y a donc, dans cette ville imaginaire, superposition des ségrégations spatiales, identitaires et sociales. Entre "la colonie" et "le ghetto", des autoroutes urbains forment des frontières à la fois physiques (puisqu'elles ancrent la division dans le paysage urbain) et mentales (puisqu'elles "formatent" les pratiques spatiales des habitants, sous la forme d'un entre-soi - choisi pour les Britanniens pour peur de l'insécurité dans "le ghetto", et subi pour les Elevens/Japonais qui sont privés de leur liberté de circulation dans "la colonie"). Une telle structuration duale de la ville correspond à un modèle "quartier riche / quartier pauvre" qui est souvent beaucoup moins simpliste dans la réalité, mais questionne le géographe sur les intentionnalités de décideurs politiques et urbanistiques en termes de sécurisation de la ville (la différenciation des différentes populations à travers un entre-soi extrême étant parfois avancée comme une forme de sécurité pour ceux qui mettent ainsi à distance "l'Autre" : c'est l'un des arguments - formulé par des propos plus "politiquement corrects" - de vente des promoteurs de gated communities). Cette distanciation permet aussi le contrôle de la population "soumise" par les autorités britanniennes, en l'enfermemant dans un quartier enclos dans lequel l'armée peut mener des expéditions punitives (telles que celle lancée par le Prince Clovis qui prévoit la destruction du "ghetto" pour soumettre les résistants à son autorité). Enfin, elle permet aussi le contrôle des Britanniens eux-mêmes en leur donnant à voir la différence entre les deux peuples, et en mettant en scène la dangerosité (davantage supposée que réelle, tout au moins au début du manga) des Elevens/Japonais à leur égard. L'exemple de cette ville imaginaire donne à voir combien le couple "peur/sécurité" est producteur de territoires enclos et d'un agencement urbain fondé sur la différenciation entre les populations.


Une autoroute urbaine marquant la division entre "la colonie" et "le ghetto" :
la frontière urbaine dans le paysage.
Image extraite du 1er épisode de Code Geass.


La même autoroute urbaine vue depuis le camion où se déplacent des "résistants" (voir le prochain billet : "Géopolitique dans Code geass").
On constate que la ville imaginaire proposée dans ce manga s'appuie sur des codes urbanistiques propres au Japon : l'imaginaire est donc révélateur de certaines réalités, tant il se développe dans un contexte spatial, social et culturel propre à chaque auteur.
Image extraite du 1er épisode de Code Geass.

Une voie de métro (ici "détournée" de son usage premier) faisant le lien entre "la colonie" et "le ghetto".
Les métros sont le moyen de transport des "Elevens"/Japonais pour accéder à "la colonie" dans le cadre de leur travail (notamment pour les domestiques ou les agents de propreté de la ville). Il est intéressant de voir que leur seul moyen d'accès (du moins le seul qui leur est autorisé, les autoroutes urbaines faisant place aux véhicules des Britanniens) soit sous la forme d'un réseau de transport souterrain, montrant ainsi l'importance dans la société britanienne de rendre cette population "invisible" dans la ville.
Image extraite du 1er épisode de Code Geass.


 Autre lieu remarquable puisqu'il constitue une centralité dans les pratiques spatiales des personnages principaux : l'Académie Ashford, où les personnages princiapux étudient, constitue un espace-refuge pour eux. Cette académie est l'occasion, pour l'auteur, de représenter l'enfermement choisi à l'intérieur de la ville, par un groupe, dans une logique de sécurisation. On retrouve ici un thème important de la géographie urbaine : l'enclave urbaine (notamment autour de la question des gated communities : on pense, par exemple, aux ouvrages sous la direction de Guénol Capron, Quand la ville se ferme. Quartiers résidentiels sécurisés, Bréal, 2006 ; et sous la direction de Thierry Paquot, Ghettos de riches. Tour du monde des enclaves résidentielles sécurisées, Perrin, 2009. Voir également la thèse de géographie de Renaud Le Goix, Les "Gated Communities" aux Etats-Unis. Morceaux de villes ou territoires à part entière ?, 2003). L'Académie Ashford se dresse comme un territoire enclos et sécurisé, interdit d'accès à l'exception des professeurs, étudiants et personnels, au sein même de "la colonie". Elle symbolise "l'idéal" de ces quartiers résidentiels sécurisés, pour lesquels des promotteurs vendent le calme, la tranquilité et l'entre-soi comme des "mérites spatiaux" accordés à une élite choisie et bien identifiée. Le scénario appuie d'ailleurs cet "idéal" recherché par des habitants du monde entier dans leur installation dans ce type de quartiers fermés (à propos de la géographie de l'enfermement, on se reportera au n°4 des Cahiers de l'ADES : "Espaces d'enfermement, espaces clos", 2009 ; au blog du groupe TerrFerme qui proposent des billets sur "les dispositifs contemporains de l'enfermement" ; ainsi qu'à l'édition 2010 du Festival Géocinéma consacrée à "l'enfermement") : l'Académie Ashford est ainsi le théâtre des quelques scènes de vie "reposantes" pour les personnages principaux, qui y côtoient des individus "ordinaires" (loin du combat qui oppose leurs idéaux politiques). Ce micro-territoire enclos est donc vécu comme un "havre de paix" par les personnages. De plus, il constitue également le centre de leurs pratiques spatiales : espace de repos (tant physique que moral), il se pose comme l'habitat des personnages principaux (même à la fin de la 2ème saison où les allusions à leur passé dans cet espace-refuge sont très nombreuses) depuis lequel ils optent pour des trajectoires différentes en fonction de leur appartenance ethnique et sociale, ainsi que de leurs idéeaux politiques : par exemple, le personnage de Kallen, mi-britannienne (par son père appartenant à la haute noblesse) et mi-japonaise (par sa mère, domestique avec qui le père de Kallen a eu une aventure extra-conjuguale), se rend en cachette depuis l'Académie Ashford vers "le ghetto" pour y rejoindre ses alliés japonais, tandis que les amis des personnages principaux qui ne prennent pas part à cet enjeu politique au sein de l'Empire, tels que Shirley, Rivalz ou Millay vivent quasi exclusivement dans l'Académie Ashford, à l'exception de quelques sorties ou excursions menées en groupe ou quelques visites à leur famille. Dans cette académie, les personnages vivent donc un entre-soi social (milieu estudiantin issu de familles nobles ou de hauts-fonctionnaires) et ethnique (les Britanniens de "pure souche" et quelques rares "Britanniens d'honneur" qui sont des Japonais ayant juré allégeance à l'Empire Britannia, tels le personnage de Suzaku), dicté par des activités "ordinaires" et le calme assuré par les murs autour de l'Académie. Quelques "intrusions" sont à noter, comme l'attaque nocture d'un groupe de "résistants" japonais détruisant la statue du Prince Clovis, gouverneur de l' "Area 11". Mais ces intrusions confirment le caractère "sacré" de cet espace-refuge enclos tant elles appartiennent à l'ordre de l'extraordinaire.


L'Académie Ashford, espace-refuge des personnages principaux.
Au sol, on aperçoit l'emblême de l'Empire Britannia.
Les personnages secondaires de cette scène se plaignent de l'absence de leurs deux camarades, qui transgressent l'ordre social établi en "sortant" de cet espace-refuge.
Image extraite du 1er épisode de Code Geass.

L'Académie Asfhord : un territoire-refuge enclos et ordonné, au coeur de "la colonie".
Image extraite du 1er épisode de Code Geass.

 


Ces quelques éléments sur l'analyse en géographie urbaine pouvant être faite du manga Code Geass montrent combien ces biens culturels peuvent être des supports pour comprendre l'imaginaire autour de la ville d'aujourd'hui, notamment autour de la recherche sécuritaire dans la ville comme productrice de territoires urbains ségrégués. Si le monde du manga est souvent analysé comme un puissant décrypteur de la société japonaise (qu'il ne faut pas non plus réduire - et donc caricaturer - à ce seul aspect !), le manga peut être également analysé au regard de la géographie, tout particulièrement pour nous apprendre en quoi l'agencement urbain proposé par des auteurs (et convenant aux lecteurs en cas de succès) permet de penser les processus en cours dans les villes réelles, mais surtout les représentations d'une société sur ces processus. De même, la mondialisation de ces mangas pose la question de la diffusion non seulement d'un style de biens culturels, mais également d'une mise en scène d'une vision du monde qui semble convenir à un public divers par-delà les continents : y a-t-il dans les représentations de la ville proposées dans les mangas des thèmes "universels" qui préoccupent les citadins du monde entier ? Beaucoup de mangas représentent ainsi la ville de Tokyo à travers ces espaces de vie (qu'ils soient le support de scénarios de type "réalistes" ou "fantastiques"), tout particulièrement autour des trajectoires de jeunes collégiens (Sakura Card Captor), lycéens (1ère partie de Bleach, Bamboo Blade, ou dans le regard de leur professeur, lui-même assez adolescent, dans GTO) ou étudiants (Maison Ikkoku, plus connu en France sous le nom de Juliette, je t'aime) : de tels mangas mettent en scène non pas les images touristiques de Tokyo, mais les territoires du quotidien de ses habitants (et très souvent ceux de la banlieue tokyoïte) qui varient en fonction de l'appartenance sociale des personnages, et donnent à voir une ville comme espace vécu multiforme en fonction des mobilités de ses habitants. C'est là un des thèmes majeurs de la géographie urbaine (et de la géographie tout court !). A titre exemple, l'excellent ouvrage dirigé par les géographes Elisabeth Dorier-Apprill et Philippe Gervais-Lambony, Vies citadines (Belin, 2007), montre bien que la ville n'est pas seulement un espace urbanisé posant des questions en termes d'aménagements d'infrastructures, mais également un espace de vie où les habitants se rencontrent, se disputent, s'entre-aident, se mobilisent, fêtent, flânent... A travers les mangas de type "fantastique", ce sont aussi des thèmes tels que la sécurité et l'urbaphobie qui sont mises en scène, et correspondent bien à des réalités urbaines actuelles. Des questions qui préoccupent aujourd'hui les hommes politiques du monde entier (pour exemple, les articles de journaux d'Abidjan ou de Paris concernant l'insécurité ont un air de ressemblance frappant, non dans le ton pris, mais dans les arguments avancés...) : la recherche sécuritaire, si elle est avant tout un discours (beaucoup de chercheurs ont montré l'inefficacité de l' "hypersurveillance" en termes de sécurité), s'ancre dans les représentations de la ville par ses habitants ou par les observateurs extérieurs. Ainsi, l'ouvrage de Sophie Body-Gendrot, spécialiste des liens entre ville et violence, posait une question qui est souvent mise en scène dans les mangas : La peur détruira-t-elle la ville ? (Bourin Editeur, 2008). Certains mangas mettent d'ailleurs en scène les "zones grises" de la capitale nippone (City Hunter, plus connu en France sous le nom de Nicky Larson, ou plus récent Jusqu'à ce que la mort nous sépare), ces quartiers aux mains de yakuza (d'ailleurs souvent mis en scène comme des espaces de vie intenses dans lesquels ne règne pas seulement la loi des groupes mafieux, mais avant tout des solidarités entre les habitants, des rencontres... (Angel Heart, la suite alternative de City Hunter est, à ce titre, exemplaire en mettant en scène le quartier comme un personnage à part entière doté d'une âme, bien loin de l'image clichée que l'on peut avoir de ces quartiers aux mains des yakuzas. Si le manga repose bien évidemment sur l'affrontement des héros face à d'odieux personnages, il s'attarde très longuement sur des scènes "ordinaires" et sur les pratiques spatiales de ces habitants dans ce quartier). Comme le discutaient des chercheurs lors d'un récent colloque à Cerisy : Ville mal-aimée, ville à aimer (dont une table-ronde dirigée par Augustin Berque était d'ailleurs consacrée à l'urbaphobie au Japon) ; les mangas peuvent être analysés comme une représentation de la ville qui se veut réaliste dans des mangas ancrés dans le "réel" ou au contraire une représentation fantasmée dans des mangas reposant sur un monde fantastique, représentations qui montrent une certaine image de la ville comme espace de vie.



Les réflexions proposées ici sont issues du visionnage de l'ensemble des 2 saisons de Code Geass, mais le 1er épisode à lui seul permet de comprendre ces différents enjeux en mettant en scène à la fois la ville duale et la ville-vitrine. Au fur et à mesure des épisodes, on découvre davantage les différents quartiers et leurs habitants.


Code Geass - Episode 1





mercredi 21 avril 2010

La guerre, la ville et... le manga ? Géographie de "Code Geass" (intro)


Comme écrit, il y a quelques mois, pour les Cafés géo, en référence au célèbre ouvrage d'Yves Lacoste La géographie, ça sert, d'abord à faire la guerre, on peut se demander (non sans une pointe de sérieux) si "Le manga, ça sert aussi à faire de la géographie ?". Bien évidemment, le manga permet d'aborder les questions de mondialisation (notamment en termes de marché de l'édition de bandes dessinées, mais également pour questionner la diffusion en tant que réappropriation locale de ce bien culturel). Mais on peut aussi discuter le contenu du manga pour voir comment sont représentés des espaces vécus, des territoires disputés, des aménagements urbains... Code geass est un exemple particulièrement démonstratif de ce que le géographe peut "tirer" de l'analyse du manga, comme témoignage des représentations d'une société sur ces espaces (qu'il s'agisse de mondes imaginaires qui présentent, par la négative, les urbaphobies/urbaphibies fantasmées, ou de mondes dits "réalistes" qui tentent de "coller" à la réalité).

Ce type d'analyses est d'ailleurs bien connue chez les géographes, à propos des films : voir notamment les comptes-rendus géographiques de films proposés par les Cafés géo, ou l'excellent site d'Yveline Dévérin, Géo-phile.net dans lequel elle consacre une rubrique à des films à forte portée géographique. On retrouvera également des billets très complets sur cette question dans le blog animé par François Arnal).

Il sera d'ailleurs ici fait mention de l'animé Code Geass (manga animé diffusé depuis 2007 au Japon, en cours de diffusion en France), qui est l'oeuvre "d'origine". Des adaptations en manga "papier" ont été réalisées (également en cours de diffusion en France), mais sont avant tout des versions courtes qui laissent place à une grande liberté pour les auteurs chargés de ces projets (actuellement, Code Geass a donné lieu à 3 versions papier, chacune centrée sur l'un des personnages principaux de l'animé : Lelouch, Suzaku et Nunnaly. Mais ces versions sont avant tout des produits dérivés de cette histoire : il n'en sera donc pas fait ici référence).

Sans entrer dans les détails du scénario (ce n'est pas l'objet qui est proposé ici), voici le synopsis proposé par les éditeurs pour présenter ce manga animé : "Nous sommes en l'an 2017, et le Saint Empire de Britannia a étendu son pouvoir sur un tiers du monde. Sept ans auparavant, le Japon tomba sous sa domination et fut renommé "Area 11". Les Japonais, devenu "Eleven", virent leurs libertés réduites au profit de celles des Britanniens, créant ainsi de fortes vagues de terrorisme dans l'archipel ex-nippon. Lelouch Lamperouge [un jeune lycée de l'académie Ashford qui accueille des élèves britanniens de "bonne famille"] se retrouve pris par hasard dans un de ces attentats, et c'est lorsqu'il manque de se faire tuer par des soldats britanniens qu'il reçoit un mystérieux pouvoir appelé "Geass" et lui permettant de donner un ordre à n'importe qui. C'est à partir de là que la révolution commence..." (pour ceux que cela intéresse, il est possible de visionner les 13 premiers épisodes sur la chaîne Dailymotion de Kaze, le distributeur de cet animé en France). La série comporte 2 saisons de 25 épisodes chacune (il est possible qu'une troisième saison soit produite en 2010, mais le final de la 2ème saison termine un cycle).

Ce manga entre donc dans un univers fantastique par la présence d'un mystérieux pouvoir, qui permet avant tout la mise en scène des personnages dans une lutte pour des idéaux qui vont entrer en concurrence. Ces idéaux sont l'intérêt d'analyser ce manga à travers l'oeil du géographe : non seulement ils ont un intérêt philosophique et géopolitique incontestable (autour de la question de "meilleur" type de régime politique et de gouvernance - notamment urbaine - qui ne cesse d'être questionné tout au long des 2 saisons, avec la confrontation sans cesse renouvelée entre des régimes politiques autoritaires et des régimes politiques démocratiques, qui chacun vont se transformer et s'adapter aux exigences et rapports de force de l'autre), mais ils permettent également de percevoir comment chacun de ses idéaux s'ancrent dans les territoires du quotidien des personnages.

Quelques petites réflexions géographiques et géopolitiques concernant ce manga qui met en scène la guerre, la paix (sous des conditions de domination) et la guérilla dans la ville. Ces réflexions seront mises en avant dans trois billets, reprenant trois thèmes (géographie urbaine, géographie politique/géopolitique, géographie de l'imaginaire)

1/ Agencement urbain : la ville dominée, la ville ségréguée et les territoires du quotidien
2/ Géopolitique dans Code Geass : guerre et dictature
3/ Géographie imaginaire : mythes et réalités

 
Bande annonce de Code Geass



lundi 19 avril 2010

"Opérations militaires et sécurité humaine" (Séminaire Droit des conflits armés)


Le séminaire Droit des conflits armés qui se déroulera du 20 au 22 avril 2010 aux Ecoles d'officiers de l'Armée de l'Air (EOAA) à Salon-de-Provence aura pour thème la prise en compte en opération, dans le cadre du droit des conflits armés, du concept de sécurité humaine aujourd’hui indissociable de l’action militaire. Dans le cadre de ces journées consacrées à la confrontation des enjeux entre "Opérations militaires et sécurité humaine", ces journées seront l'occasion de confronter différents regards, entre universitaires, militaires, humanitaires et acteurs politiques. Voir le programme détaillé. Ce séminaire se déroulera en anglais pour la plupart des interventions.





Mardi 20 avril 2010
CONFERENCE INAUGURALE
Judge Sir Patrick Lipton ROBINSON (Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie)


Mercredi 21 avril 2010
DISCOURS D’ACCUEIL
Général de brigade aérienne Denis MERCIER (Commandant les Écoles d’officiers de l’armée de l’air)


LA NATURE CHANGEANTE DES CONFLITS ARMÉS
M. John KEIGER (Director of the European Studies Research Institute, Salford, Manchester)

ACTION DE L’OSCE DANS LA GESTION DES CRISES ET DU RELEVEMENT POST-CONFLIT
Mme Alice ACKERMANN (Senior Operational Advisor, Conflict Prevention Center, General Secretariat, OSCE, Vienna)

LE CADRE JURIDIQUE DES OPERATIONS MILITAIRES
- Actualité du droit des conflits armés (M. Fabrice LEGGERI)
- Développements particuliers (Commissaire Colonel Pierre FERRAN)
- Le droit perçu par l’opérationnel (Officier de l’État major des armées, Centre de planification et de conduite des opérations, J3 Conduite)


UE, UNE LOGIQUE EUROPEENNE POUR LA SECURITE
M. Eric CHABOUREAU (Membre du Service juridique du Conseil de l’UE, Bruxelles)


LES OPERATIONS DE MAINTIEN DES NATIONS UNIES

DROIT ET OPERATIONNEL, TEMOIGNAGE
Colonel Alhaji FANDAY TURAY (Special Assistant to the Chief of Staff, Office of Military Affairs, Department of Peacekeeping Operations, United Nations Organization, New York)
Novembre 2004 : de Bouaké à l’hôtel Ivoire (Lieutenant-colonel François-Regis JAMINET, Ancien commandant d’unité de combat au Régiment d’Infanterie-Chars de Marine, RICM, engagé dans l’opération Licorne)


Jeudi 22 avril 2010
DISCOURS D’OUVERTURE
Général de brigade aérienne Denis MERCIER (Commandant les Écoles d’officiers de l’armée de l’air)


OPERATION ET SECURITE HUMAINE : LE CICR, UN GARDIEN DU
Mme Raffaella DIANA (Secteur Unité des relations avec les porteurs d'armes, CICR/Sector COM, FAS at ICRC, Geneva)

LA RESPONSABILITE PENALE EN DROIT INTERNATIONAL
DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
- L’avenir de la justice internationale (M. Claude JORDA, Ancien président du TPIY, ancien juge à la Cour pénale internationale, Président honoraire de la Cour nationale du droit d’asile)
- Intégration et réforme de la justice pénale militaire française (Mme Alexandra ONFRAY, Procureur de la République au Tribunal aux armées de Paris)
- La jurisprudence en droit international pénal (M. Stéphane BOURGON, Expert en droit pénal international et ancien avocat de la défense près le TPIY)


PRESENTATION DYNAMIQUE DE LA PATROUILLE DE FRANCE
LES CONFLITS MODERNES ET LA SECURITE HUMAINE

- Mme Mary H. KALDOR (Principal Research Fellow and Program Director at the London School of Economics)
- Mme Geneviève SCHMEDER (Professeur, Conservatoire national des arts et métiers)
- Lieutenant-colonel Shannon BEEBE (Office of United States Army Deputy Chief of Staff Intelligence, Pentagon, Arlington,Virginia, USA)

PAUSE ET PRESENTATION STATIQUE MIRAGE 2000

DROIT ET OPÉRATIONNEL, TÉMOIGNAGESAfghanistan : un théâtre sous tension
- Commandant/Major Hugues POINTFER, Commandant en second de l’EC 1/3 Navarre NATO’s Operations
- Commandant/Major Giovanni GALOFORO (Deputy Public Affairs and STRATCOM Advisor for the CMC, DCMC and DIMS, International Military Staff, NATO HQ, Brussels)

CLOTURE DU SEMINAIRE
Général de brigade aérienne/Brigadier General Denis MERCIER (Commandant les Écoles d’officiers de l’armée de l’air)

samedi 17 avril 2010

Journée d'étude : "Les spécificités de la citadinité"


Une journée d'études organisée dans le cadre du projet "Concepts et théories nomades : la ville à l'intersection des disciplines, des temps et des lieux" sera consacrée aux "Spécificités de la citadinité" le mardi 18 mai 2010 à l'Université Paris Ouest (Nanterre, salle B015).


Présentation par les organisateurs :
"La condition de citadin est devenue majoritaire et dans les pays développés, prédominante. Ce constat interroge la nature même de la citadinité, la façon dont elle est pensée et représentée dans des contextes urbains, économiques et culturels très contrastés mais aussi la manière dont elle est construite historiquement en opposition par exemple à la condition rurale ou nomade. Comment, dans les différentes disciplines des sciences sociales, est définie et analysée la citadinité ? Peut-on articuler des approches centrées sur des critères démographiques, des modes de vie, des formes urbaines ou des identités ? Dans un monde globalisé mais où les contextes locaux prennent toute leur importance, est-il possible de comparer différentes formes de citadinité ? Existe-t-il plusieurs temps de la citadinité ?"

Le séminaire est ouvert à tous. Il repose sur trois communications de 40 minutes présentées par des sociologue, géographes et archéologue. Chaque communication sera discutée par un chercheur appartenant à une autre discipline et suivie d’une discussion avec le public.

 
Programme de la journée :

10h-13h
Pedro Garcia Sanchez (socio-anthropologue, UMR 7218 LAVUE-Mosaïques) "Le citadin et l’urbanité : des usages aux épreuves"
Discutant : Frédéric Dufaux (géographe, UMR 7218 LAVUE-Mosaïque)

Chloé Buire (géographe, EA 375 GECKO), "Pratiques citadines, savoirs citoyens"
Discutante : Marie-Hélène Bacqué (sociologue, UMR 7218 LAVUE-Mosaïque)


14h-17h
Philippe Gervais-Lambony (géographe, EA 375 GECKO) et Agnès Rouveret (archéologue, UMR 7041 ArScAn), "Qu’est-ce qu’une archéologue et un géographe peuvent bien avoir à se dire à propos de la notion d’espace public ?"
Discutante : Laurence Croq (historienne, EA 1587 CHISCO)


Voir le programme de la journée et le site de l'Université Paris-Ouest pour des informations concernant l'ensemble du séminaire (prochaines journées : "Les formes de la ville" le vendredi 1er octobre 2010, et "Etalement urbain, marges, marginalité" le vendredi 17 décembre 2010).


vendredi 16 avril 2010

Pratiques de terrain et mobilités éprouvantes : le chercheur face aux villes en guerre


Poster scientifique qui sera présenté lors du Forum des doctorants de l'Ecole doctorale de géographie de Paris, le 16 avril 2010 à l'Institut de géographie de Paris, sur le thème du "Terrain" (voir le programme des interventions et la liste des posters présentés).

Il s'agissait d'un premier essai de poster, bien trop chargé (on connaissait ce défaut au moment même de la conception du poster, mais il a été difficile de faire des choix pour être démonstratif), qui tente de montrer les nécessaires "bricolages méthodologiques" (on emprunte ici l'expression à Sylvain Guyot et à sa présentation "Une méthodologie de terrain ‘avec de vrais bricolages et plein de petits arrangements’…" faite lors du colloque A travers l'espace de la méthode : les dimensions du terrain en géographie) lorsque l'on enquête dans un milieu difficile (on se reportera par exemple au dossier consacré à la question dans la Revue française de science politique : "Enquêter en milieu « difficile »", vol. 57, n°2007/1, notamment l'article de Vincent Romani : "Enquêter dans les Territoires palestiniens. Comprendre un quotidien au-delà de la violence immédiate", pp. 27-45) tant pour son accessibilité que pour le vécu du chercheur comme vecteur de subjectivités qui pèsent sur la construction d'une grille d'analyse opératoire.

Cette version en format jpeg n'est pas très "propre" (grande perte de qualité), il est possible également de télécharger la version PDF (en format A0).






dimanche 11 avril 2010

Un documentaire sur les génocides dans la bande dessinée


Pour ceux qui s'intéressent à la représentation des conflits dans les Arts, tout particulièrement dans la bande dessinée, l'émission Un Monde de bulles du 16 avril 2010 sera consacrée à la mise en bulles des génocides. "Du génocide Rwandais au génocide Arménien" sera diffusé sur la chaîne TNT Public/Sénat (LCP) à 23h00 (et rediffusée le 17 avril à 7h00). "La bande dessinée n'est pas qu'un loisir et un divertissement. C'est aussi, sous le crayon de certains auteurs, un lieu de mémoire, d'engagement et de démoignage. Jean-Philippe Lefèvre se penche sur l'histoire du monde et présente le deuxième tome de Rwanda de Pat Masioni et Cécile Grenier, récit du génocide des Tutsis de 1994. Il revient également sur Medz Yeghern, de Paolo Cossi, qui relate le génocide arménien de 1915".

Sur la question, on retrouvera prochainement un numéro de la revue de la Fondation Auschwitz, Témoigner. Entre Histoire et Mémoire, à paraître fin 2010 et consacré à "La bande dessinée à l'épreuve des génocides" et le colloque organisé à Cérisy-la-Salle sur La guerre dessinée. Guerres et totalitarismes dans la bande dessinée qui aura lieu du 8 au 10 juin 2010. Egalement à (re)voir lavidéo de l'émission Un Monde de bulles du 5 février 2010 consacrée aux "Histoires de Guerre" (avec la série War and dreams et l'exposition à l'Historial de Perronne : avancez à 6min30 pour découvrir une vingtaine d'auteurs dessinant les traces et les séquelles de la Grande guerre).